JAGUAR MK2 & Daimler V8 250

nicanami · Posté le: Dim 16 Oct 2022, 20:45 Sujet du message: Le bruit et le moteur

'Hautaine, dédaigneuse
Tandis que hurle le poste de radio
Couvrant le silence du moteur'

Ainsi parlait Serge G. de sa Rolls Silver Ghost de 1910, avant que d'engourdir une ado du nom de Melody.

Hum, au delà des aspects 'chelous' de la relation intime lourdement entrenue au fil de l'album eponyme, allez, que l'on va attribuer je l'espère a un simple premisse maladroit de l'art du buzz, j'ai toujours été intrigué par l'oxymore en rapport avec le bruit du moteur.
On peut masquer un éléphant dans un couloir, un montant de pare-brise, un compte en Suisse, mais peut-on masquer une absence ?

C'est là la force picturale d'une langue, la plus belle qui plus est, et la liberté de l'auteur à fléchir le sens des mots, de la même façon qu'un peintre étale un plot de gouache ou un mecano cintre un collecteur d’échappement.

Mais loin de moi l'idée d'ici faire le parti ou le pilori de cet auteur qui a marqué son temps.

Bien souvent l'artiste touche son auditoire au delà de ses intentions premières, un peu comme quand, ados, on filait un pétard allumé à mi-mêche à son voisin pour voir.

Finalement, ce que je retiens de ce texte, outre l'extraordinaire ligne de basse qui l'accompagne, c'est le climat qu'apporte l'évocation de la reine de l'automobile.

On ne couvre pas le silence d'une twingo, alors qu'on peut le faire sur une 40/50HP, au demeurant bien bruyante pour les standards actuels.

Et les ailes de cette Rolls qui effleure les pylônes, on l'a vécu, des tas de fois. En vrai ou en rêves, peu importe, affirmatif. On voit même les cailloux sur le bord de la route, la vue sur le col de la Furka, et tant d'autres perspectives d'un inconscient collectif chargé comme un cycliste au TDF...

Allons quoi, mais bon, que peut-on transposer à l'univers qui nous intéresse ici, sur le meilleur forum automobile ?

Alors déjà exit l'autoradio, car quand on tiens le mors de 140 voire 220 CV vapeur, faut rester focus...
et le silence des trois litres huit serait bien inquiétant si l'on ne détectait pas le râle ravageur des deux carburateurs, cloche a la toque, papillon ouverts a fond, sans parler du velouté bien gonflé du double echappement, des sifflements des joints de portière. des cloquements du pont ou d'eventuels rayons brisés par le couple du moteur...
Oh, certes, au ralenti la tempête se calme, mais il reste le toc toc de l'AZX1308, la roque soufflante du tiédage et, avant l'engagement symphonique, le tic tac de l'horloge, ou le verrouillage de la boite a gants ou le loquet du 'no-draft ventilator'.

Et encore, on en reste qu'au niveau de l'oreille, il y a bruit, mais aussi l'odeur.
Les huiles, au pluriel, et bien evidement le cvuiiiiir, de meilleure facture. Et pi cette odeur de 'vintage', produit de tant de produits aujourd'hui interdits.

Et si l'on descend en dessous de la ceinture, comment ne pas evoquer le luxe lascif des fauteuils moelleux avec accoudoirs* qui soutiennent ferme le séant en virage, et cette compression dans le bas des reins a chaque pression des papillons..

Et oui, la mk2 se distingue de la Rolls.
Elle n'ère pas dans la sphère du rêve, de l'inconscient collectif, mais sur le terrain personnel, sur l'intime, ou c'est sa crue réalité qui forme son attrait.

Ainsi, jamais n'aurons nous besoin d'un heurt violent pour nous tirer d'une quelconque rêverie, et Melody aurait vieilli, avec ses beaux cheveux rouge-argentés, leur couleurs naturelles.

* (sur les meilleurs modèles)
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Le voyage est la seule dépense avec laquelle on s'enrichit.